Quelles Libertés ?
Un débat au relent de pourriture est en train de s'incruster en profondeur dans les scellements de l'édifice républicain.
Si on n'y prête pas attention, ses effluves vont durablement empuantir le débat démocratique et miner l'édifice.
L'actualité journalistique, éditoriale nous abreuve de sentences et injonctions sur l'obligation de laisser dire les choses parce que des non-dits seraient mauvais.
Mauvais pour qui ?
Ainsi donc, il faudrait laisser se "libérer la parole" et au nom d'une démocratie à sens unique, laisser se développer le débat qui est tout sauf démocratique.
Un Rebatet nostalgique de Céline au nom de cette parole libérée devrait imposer son droit exclusif à être audible dans les formes et conditions qu'il exige ?
Ce débat si on le refuse démontrerait une volonté attentatoire à la liberté d'expression.
La Parole doit être libre assènent tout azimut ses thuriféraires.
Est-elle libre pour tous ?
Quelle parole veut-on libérer et dans quelle geôle serait-elle incarcérée ?
Parle-t-on de l'interdiction d'être citoyen à part entière dès qu'on franchit les grilles de l'entreprise qui vous emploie ?
Parle-t-on de la liberté du travail quand le patronat tient ses listes qui interdisent à un syndicaliste de retrouver du travail ?
Celle qui, encadrée, conduit certains édiles à placardiser ou harceler ceux qui déplaisent au potentat ?
Liberté de parole pour ceux qui subissent en permanence l'injonction de se taire de la part de ceux qui savent à leur place et formatent ce que chacun a le droit non pas de savoir, mais d'approuver ?
Non, la parole que l'on veut libérer, c'est toujours la même : la parole d'extrême droite, celle qui tend des passerelles vers la droite.
La plus avancée de ces passerelles se transformant en "Golden gate" a un nom : racisme, pilier de masse du fascisme. Racisme anti-arabes anti-noirs, anti-juifs, anti roumains, bientôt anti russes parfois anti anglais ou anti jaune en fonctions des circonstance, anti l'autres, racisme sexiste, racisme homophobe. C'est cela qui pour nos conquistadors des vertus est à libérer avec le droit de le dire, Quadriller la pensée dominante de la classe domiante comme l'alpha et l'oméga de la démocratie.
Dans notre droit existe l'injure à Président de la République, insulte à agent de la force publique, c'est réglementé, un barème de peines et amendes est même prévu. Mais dire qu'il faut jeter à la mer "l'autre" participerait de la libération de la parole ?
Cet autre, terme de rejet, image d'un collectif déshumanisé considéré comme tel, magma sans considération parce que portant d'autres horizons qui pourtant et malgré ces racistes, depuis que le concept de civilisation existe, alimente et s'alimente du voisinage et de l'échange social, culturel, économique. Combatre ceux qui le combattent serait liberticide ?
Stigmatiser ce racisme comme moyen de fédérer les réactionnaires de toute nature serait attenter à la libération de la parole ? La Canaille attente!
En vérité, ce déplacement du centre de gravité du débat politique n'a qu'un but : 70 ans après la débâcle des droites compromises dans leur soutien sans faille à la barbarie, permettre à l'espace réactionnaire de reconstituer son unicité idéologique et d'abattre ce qui fut une cloison étanche entre une droite avançant masqué derrière l'ectoplasme des dignitaires passés opposés à la droite extrême, pour maintenant reconstruire le bloc bleu horizon de la réaction sectaire, asociale, raciste et belliciste rassemblée autour de la rente et du profit.
Le racisme par ses effets fédérateurs en temps de crise est non pas un levier mais un levain méphitique. Pas un levier, nous savons tous, ils savent eux aussi, depuis Archimède que supprimer le point d'appui paralyse le mouvement. Ils travaillent autrement pour instiller leurs ferments. Ils laissent focaliser sur le point d'appui pendant qu'ils ensemencent de leurs moisissures, sorte de levain parce qu'il travaille toute la pâte du corps social et ne se circonscrivent pas qu'à sa seule représentation hyper médiatisée.
Quand un peu impunément de la part des services de l'État et sans réactions majeures des partis dit démocratiques, on peut débaptiser les rues, démettre des artistes pour délit d'opinion, mettre des syndicalistes sur liste noires comme au bon temps de McCarthy aux USA ou Deferre à la mairie de Marseille, c'est qu'ils avancent.
Quand il est possible d'acheter des voix pour les élections, des journaux pour les gagner. Quand ceux qui les possèdent peuvent vendre leurs canons grâce aux marchés gagnés par ceux que leur presse à fait élire, il n'y a plus de frontière à l'intérieur de tout un camp fait de clans qui pactisent pour s'extraire du pacte républicain.
Il serait bon que tous les architectes qui enfermés dans leurs bureaux d'étude concourent à tracer les plans d'une république future commencent déjà à regarder si les serruriers et charpentiers qui s'affairent ne sont pas en train de bâtir la cage qui ne leur laissera que la table à dessin, mais supprimera papiers et crayons, les gardiens conservant les gommes à effacer la mémoire.
Relisons Brecht. L'acension d'Arturio UI est résistible ; si le peuple et donc ceux qui se parfument de parler en son nom décident de combattre.