Un 70ème anniversaire
pas en phase avec
le serment des survivants
Un goût amer,
détestable.
Auschwitz, Michael Kenna (1993)
70 ans que l'Armée Rouge parvenait à libérer les internés encore alors présents dans l'univers concentrationnaire du camp d'Auschwitz-Birkenau.
Une date historique dans l'Histoire de l'Humanité même s'il faudra attendre encore de longues semaines, d'interminables jours ponctués d'assassinats, de morts d'épuisement, de faim et de maladie avant que les forces du "3ème Reich de mille ans" soient définitivement démantelées.
Qui oserait en dehors des nostalgiques (officiels ou cachés) d'une idéologie génocidaire ne pas s'inscrire dans ce moment majeur de l'histoire humaine, y célébrer ensemble victimes et libérateurs ?
Pourtant l'évidence pour certains n'est pas si simple. Entre les négationnistes affirmés qui non réprimés relèvent la tête, les plus honteux qui leur ont succédé à la tête de certains pays victimes ou agresseurs à l'époque, et ceux qui privatisent à titre exclusif les victimes, l'histoire reste à affirmer et la mémoire exige de faire sans répits rebondir les serments des survivants pour que le « plus jamais cela » ne soit ni un mot d'ordre ni qu'un cri de ralliement mais un engagement permanent pour rester en veille et en action contre les barbaries.
Que dire du refus de la Pologne 2015 d'admettre que son existence est liée indéfectiblement à l'action de l'Armée Rouge de l'URSS d'alors ? Comment nier que le gouvernement de ce pays en 2015 a renoué avec ses pires démons anti-judaïques, anti-russes et anticommunistes de ses périodes les plus condamnables ?
Mais que dire aussi de cette annexion de la mémoire des exterminés sous la coupe du génocide des Juifs qui s'il est une part déterminante du massacre n'en est ni l'exclusivité ni même la signature unique et initiale ?
Dire cela oblige à manipuler les mots avec prudence tant, et c'est légitime, les blessures sont toujours à vif, quoi de plus normal ?
Mais résumer la déportation ici en France comme dans le reste de l'Europe qu'à la notion religieuse et extérieure à la majorité des victimes juives ou non de l'horreur historique est ni juste ni porteuse de l'exigence du combat de l'humanité contre toutes les intolérances, tous les racismes, contre le fascisme qui en est la forme accomplie.
Si le terme de Shoah est tout à fait respectable à l'intérieur de la réflexion religieuse des pratiquants de la religion juive, vouloir en faire comme c'est le cas depuis plusieurs années l'identifiant unique du crime est insupportable tant il ségrègue les autres victimes, leur donne un statut secondaire «d'extra-victimes» antinomique au serment des survivants.
Les millions d'esclaves parce que slaves anéantis par le travail et les crématoires serait-ils moins victimes que les millions de victimes juives anéantis par les crématoires et le travail ? Que dire des autres catégories identifiées et organisées comme telles dans les camps grâce aux machines IBM installées par les nazis ?
Les tziganes, qui en parle cette semaine ? Les homosexuels exterminés comme tels, pas victimes du nazisme ?
Et ces centaines de milliers d'opposants politiques syndicalistes qui croyant (et dans quel espace religieux?), plus de la moitié des déportés de France ou pas qui, bien avant la conférence de Wansee, (c'est en France et pour eux que ces otages communistes et si possible juifs, et « que » juifs si pas assez des premiers disponibles pour compléter les convois, se verront affublés du célèbre Nacht und Nebel , ne l'oublions jamais) ont subit une solution pas encore appelée finale, mais qui pour tous marquait leur fin ? Pas victime à Auschwitz et ailleurs ?
Disons brutalement les choses : cette confiscation à usage exclusive d'une des catégories de victimes sert plus à justifier les actes insupportables perpétués depuis par ceux qui prennent prétexte du statut de victimes réelles de leurs parents pour justifier les actes inqualifiables perpétués au nom d'une variante des fous de dieu contre le peuple palestinien qu'à combattre les idéologues et soutiens de l'univers concentrationnaire.
Les peuples élus génèrent toujours ceux qui, parce que pour lés élus ils ne le sont pas, sont réductible dans les formes du moment à l'esclavage ou à faire disparaître. En cela, Canaille le Rouge affirme que le ciel de feu abattu sur Gaza est héritier de l'anéantissement du Ghetto de Varsovie.
La Canaille, armé des noms de cette partie de tous ceux des siens gravés sur le mur mémoriel de la rue Geoffroy l'Asnier met au défi les privatiseurs de la libération d'Auschwitz par la glorieuse armée Rouge de ce qui était alors l'URSS, de nier l'universalité du crime et l'universalité des victimes. Il leur dénie le droit de s'affranchir du serment porteur de l'exigence impérative des survivants des camps et des marches de la mort de se battre contre tout ce qui pourrait les diviser.
26 janvier 2015