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Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

Il n'est pas de sauveur suprême

Publié le 15 Août 2015 par Canaille Lerouge

Ni dieu,

ni César

ni... Varoufakis 

Il n'est pas de sauveur suprême

Canaille le Rouge apprécie particulièrement le rôle joué par l'ex ministre des Finances de Grèce durant la période où il fut ministre tout comme aujourd'hui la constance et la cohérence de son engagement contre la camarilla politicienne de l'UE agissant pour le compte du capital.

Jacques Sapir vient de lui consacrer un article très intéressant entièrement axé sur ses potentialités politiques. Il ne s'agit pas de contester le choix de l'étude de la personnalité d'un acteur majeur, mais au travers d'une vision de la place de ceux-ci de voir en creux les absences et leurs liens avec l'échec de Varoufakis et la résistible capitulation de Tsipras.

Pour faire la révolution, pour faire céder le capital les personnages symboliques -aussi sympathiques soient-ils- suffisent-ils ? 

L'article de J. Sapir ne demanderait pas commentaires particuliers s'il ne permettait pas de relever ce défaut majeur largement partagé dans le courant "progressiste", une sorte de marqueur de ce qui englue le combat : la place, le recours, l'espoir placé dans l'homme 'beaucoup lus rarement femme)providentiel(le).

Leur rôle non pas au sein d'un mouvement populaire mais de personnalités qui même "bien sous tous rapports" en fait ne le sont pas puisque leur rapport au peuple est au mieux l'appel à soutien au pire l'ignorance, souvent l'illusion que l'aura, l'intelligence suffirait à déplacer les montagnes.

Une démarche que nous retrouvons ici cette "Mythisation" de Jaurès, démarche qui les laisse agir hors lien au peuple sauf lors des rendez-vous électoraux considérés comme l'alpha et l'oméga de la démocratie, ce qui laisse à ceux qui possèdent les leviers économique toutes latitudes pour manœuvrer et réprimer là ou se construisent et s'entretiennent les rapports d'exploitation et d'exclusion : l'espace économique.

Cela pose la question de la nature de classe de l'affrontement.

Usons d'une image : Marx n'est Marx que dans son rapport aux masses, d'où sa primauté à leur organisation, Lénine ou Rosa Luxembourg que par la dialectique "propositions révolutionnaires et organisation politique" sur des bases de classe de ceux qui doivent pour s'émanciper faire leur révolution d'où les soviets, les conseils ouvriers, l'héritage de la Commune.

La tradition girondine de la bourgeoisie française et son intérêt à capter les moyens du pouvoir politique l'ont conduit à construire une pratique délégataire qui, aux côtés de l'intégration bismarckienne des cadres politiques petit-bourgeois du Reich, ou l'équivalent britannique, ont infusé tout le courant social-démocrate et est source du conflit historique entre la voie révolutionnaire et la voie réformiste.

La contradiction de Varoufakis réside dans la non-résolution de cette dialectique : penser la transformation et faire partager par l'action le sens de celle-ci, le besoin de rassembler et d'agir par ceux qui par leur action sont les seuls à pouvoir l'imposer.

Cela ne fait pas de Varoufakis un traître ou un illuminé, cela montre les limites de Syriza et ses velléités de transformation de l'intérieur du cadre politique, cadre sur lequel Varoufakis s'est cassé les dents, qu'il dénonce brillamment mais à qui -source de la scission dans le KKE- conduira les minoritaires à cette sorte mi-chèvre mi-chou du Pasok et d'une illusion communisante. Par nature, il lui manque la primauté du mouvement populaire laquelle par son absence est un des principaux marqueurs de l'orientation de la social-démocratie.

C'est certainement ce qui va conduire à un éclatement de Syriza ou Tsipras sera le Blum Grec et sa recherche d'une recomposition avec la partie la moins purulente du Pasok...sauf si le peuple reprend la main auquel cas la question Tsipras ne sera plus d'actualité.

Stratégie de Syriza qu'en France les observateurs politiques (lisez relais idéologiques) nomment gauche de la gauche (avec en prime et en pire) l'absence ici d'un Varoufakis substitué par un lot en solde de Dimicoli, Boccara and C° escortant un Laurent qui à défaut d'un royaume cherche son cheval et le dispute à Mélenchon .

Ces repères étant posés, cela ne retire rien à l’intérêt du texte de Sapir, à la fois comme illustrant ce qui précède, mais montrant aussi que le rassemblement reste possible (et nécessaire) pour qui veut transformer la société, et qui historiquement n'y a plus sa place.

Jacques sapir : Quel avenir pour Varoufakis?

Yanis Varoufakis en en train de devenir un personnage important dans la vie politique grecque et au-delà. Dans le processus d’éclatement de Syriza, qui semble désormais bien engagé[1], il est appelé à jouer un rôle majeur avec l’ancien ministre de l’énergie, Panayiotis Lafazanis, et la présidente du Parlement, Mme Zoé Kostantopoulou. Mais, Yanis Varoufakis est aussi incontestablement devenu une figure marquante pour la gauche critique de l’Euro et quelqu’un qui va compter dans les reconfigurations politiques qui se préparent. Il y a de bonnes raisons à cela.

Un homme du “système” qui se rebelle contre ce dernier

Yanis Varoufakis représente un cas rare sans être cependant singulier. Il est un économiste qui a pris des positions nettement pro-européennes, mais qui est aujourd’hui très critique quant à la gouvernance de l’Union européenne mais aussi quant au comportement des dirigeants européens. Il est aussi un économiste qui s’est prononcé en faveur de l’Euro, pour des raisons essentiellement théoriques, mais qui aujourd’hui envisage calmement la possibilité d’une sortie de son pays de la zone Euro. Il est évident que son expérience de Ministre, et de négociateur, a changé sa vision de l’Euro et que cette expérience a beaucoup à apprendre à une gauche véritable. La gauche critique vis-à-vis de l’Euro, voire anti-Euro, est aujourd’hui sensible à sa trajectoire. Il vient de l’intérieur du « système », mais en même temps il en fait la critique et il se déclare prêt à rompre avec lui plutôt que d’accepter ce qu’il faut bien appeler une capitulation, ce à quoi Tsipras a finalement dû consentir. Ce point est très important. D’ailleurs Varoufakis maintien ses critiques, que ce soit contre le Diktat du 13 juillet ou contre le nouveau mémorandum qui doit être ratifié d’ici le 20 août. Il a dit récemment sur la BBC « Demandez à tous ceux qui connaissent l’état des finances grecques et ils vous diront que cet accord ne marchera pas »[2]. Or, son autorité morale et sa compétence d’ex-Ministre des finances joue ici pour lui.

Car l’accord auquel la Grèce et les autres pays de l’Eurozone vont aboutir ne règle rien et qu’il est déjà condamné avant même d’avoir vu le jour. La situation de la Grèce s’est terriblement détériorée en juillet et début août, du fait des mesures qui ont été prises contre la Grèce par la Banque Centrale Européenne. On parle de 86 ou 89 milliards d’euros pour cet accord. Mais, aujourd’hui, il est clair qu’il en faudrait entre 110 et 120. De même, il est évident qu’il faudrait très vite procéder à l’annulation d’une partie de la dette grecque. Même le FMI le dit depuis le début du mois de juillet. Pourtant, nous savons que l’Allemagne s’y refuse et qu’elle traine les pieds pour conclure cet accord[3]. Dans ces conditions, il est tout aussi évident que l’accord qui devrait être conclu d’ici le 20 août ne règlera rien et qu’il sera dépassé et rendu caduc par les événements. Par ailleurs, la situation économique de la Grèce continue de se détériorer. Il est clair que la sortie de la zone Euro reste, plus que jamais, une perspectives pour les semaines, voire les mois, à venir[4].

L’image de la compétence

Varoufakis incarne ainsi à merveille une gauche compétente (il fut un professeur d’économie estimé et reconnu) mais qui n’abandonne rien de sa dimension critique et qui se sert de sa compétence pour pousser toujours plus loin la critique du « système ». Il est d’ailleurs un produit des classes dirigeantes (même si son père fut emprisonné durent la guerre civile grecque pour ses sympathies communistes) mais qui n’applique pas les codes de son milieu.

C’est, il faut le rappeler, un spécialiste de théorie des jeux, un domaine qui a beaucoup passionné les économistes[5]. C’est donc quelqu’un de reconnu par ses pairs, que ces derniers soient des économistes du courant orthodoxe ou appartenant à des courants hétérodoxes. Son livre, le Minotaure Planétaire a eu un succès international mérité[6]. De plus il n’a pas hésité à concevoir un plan alternatif crédible pour la Grèce, un plan qui aurait évité à ce pays et la capitulation honteuse à laquelle il a été contraint ainsi que le désastre d’un nouveau mémorandum, quand bien des gens soutiennent encore l’idée « qu’il n’y a pas d’alternative ».

Un futur dirigeant de la gauche anti-Euro ?

Yanis Varoufakis fut un Ministre des finances charismatique, qui n’a pas hésité à dire certaines vérités dans le cadre compassé des réunions européennes. Il est clair qu’il a le potentiel pour certainement devenir le héraut d’une gauche anti-euro. Le fait qu’il se soit prononcé tout d’abord pour l’Euro, puis qu’il ait envisagé la possibilité d’une sortie de la zone Euro lui donne une autorité certaine sur ce point.

D’ailleurs, il faut remarquer qu’il hébergé sur son blog l’appel de Stefano Fassina à un front des mouvements de libération anti-Euro[7]. C’est un geste qui est très symbolique. Car Fassina, lui aussi, vient de l’intérieur du « système ». Il fut vice-ministre des finances du gouvernement Letta en Italie. C’est un membre influent du parti de centre-gauche, le Parti Démocrate, auquel appartient l’actuel Premier-ministre, Matteo Renzi. Or, aujourd’hui, il est devenu l’un des plus virulents opposants à l’Euro en Italie et son appel n’est rien de moins que l’un des plus virulents brûlots qui ait été écrit contre l’Euro. Varoufakis et Fassina sont donc représentatifs de cette fracture qui s’est produite au sein du « système », de ce que l’un de mes amis italiens, le professeur Bagnai, appelle le PUDE ou Parti Unique De l’Euro. Leur trajectoire vers des positions anti-Euro pèse d’autant plus qu’ils ont été antérieurement des partisans de l’Euro. On pourrait en dire de même d’ailleurs avec Oskar Lafontaine, qui en tant que dirigeant du SPD fut l’un des pères fondateurs de l’Euro, et qui a, en 2013, viré sa cuti d’opposant résolu à la monnaie unique. Ce fait est désormais très important. De plus en plus le camp des économistes et des politiciens anti-Euro, ou à tout le moins très Euro-critiques, est rejoint par des personnes qui étaient il y a peu encore des partisans de l’Euro mais que la réalité de cet Euro a rattrapé et qui ont compris qu’il n’y a pas d’avenir possible en Europe tant que l’on gardera l’Euro.

De plus, il a été attaqué très violemment, non seulement dans la sphère politique grecque, où certains aimeraient lui faire un procès pour haute trahison, mais aussi dans les milieux européistes de Bruxelles et d’ailleurs. Il a répondu vertement à ces critiques que ce soit sur son blog ou par voie de presse. Concentrant la haine des europhiles et des partisans de l’Euro, il est normal qu’il attire spontanément la sympathie de ceux qui luttent contre l’Euro.

Une figure de la contestation

Il est donc évident que Yanis Varoufakis cumule les caractéristiques qui devraient en faire un exemple pour une certaine gauche, mais par pour toute la gauche, et certainement pas dans les rangs de la « gôche ». Car, la personnalité de Yanis Varoufakis, et surtout le discours qu’il porte, sont clairement insupportables pour cette droite modérée travestie en « gauche de gouvernement ». Il est clair que rien dans sa personnalité ne peut attirer les socialistes officiels, des gens comme Moscovici, ou Martin Schulz et Sygmar Gabriel, Michel Sapin ou François Hollande. Bref, ce qu’il faut appeler les socialistes de gouvernement, les héritiers de Hebert et Noske de l’Allemagne de 1918.

Bien au contraire ; Yanis Varoufakis est l’exemple même que, contrairement à ce qu’ils prétendent, il y a des alternatives et que l’austérité n’est pas inéluctable. Il est la preuve vivante de leurs compromissions, de leur lâcheté et de leurs trahisons, quand une autre voie était possible. C’est pourquoi il doit être haï par ces gens. Mais, il va certainement attirer une partie des frondeurs du PS, en tous les cas ceux qui n’ont pas accepté le diktat du 13 juillet, ainsi que les partisans d’Arnaud Montebourg, et bien entendu les membres de la gauche radicale. Varoufakis est la preuve vivante qu’une autre politique est possible dans l’Union européenne, même si on peut penser qu’il n’a pas porté totalement, et dans toutes ses conséquences ce projet. En tout les cas, il l’a porté loin, et ce n’est pas de sa faute si ce projet n’a pu aboutir.

Il reste à savoir s’il sait qu’il est devenu un personnage symbolique et s’il pourra être à la hauteur des symboles qu’aujourd’hui il incarne. Car, et c’est là la contradiction qu’il devra affronter et résoudre, lui l’homme qui a toujours voulu se situer du côté du comportement rationnel, héritage de ses travaux sur la théorie des jeux[8], va devoir admettre qu’il est devenu un acteur dans un jeu qui n’obéit plus à la rationalité mais où les symboles et l’idéologie tiennent une place majeure. En même temps, en politique, l’analyse fait aussi appel au calcul rationnel. Il devra, s’il ne veut se perdre, tenir les deux pôles de cette contradiction.

NOTES :

[1] Godin R., « Grèce : la voie de la rupture est ouverte au sein de Syriza », La Tribune, 13 août 2015,

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-la-voie-de-la-rupture-est-ouverte-au-sein-de-syriza-498204.html

[2] http://www.lepoint.fr/economie/grece-le-plan-d-aide-ne-marchera-pas-affirme-yanis-varoufakis-12-08-2015-1956351_28.php

[3] Godin R., « Grèce : pourquoi l’Allemagne joue la montre », in La Tribune, 13 août 2015,

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-pourquoi-l-allemagne-joue-la-montre-498145.html

[4] Komileva L., « Another Bailout Won’t Keep Greece in the Eurozone » inForeign Policiy, 12 août 2015,

*http://foreignpolicy.com/2015/08/12/another-bailout-wont-keep-Greece-in-the-Eurozone2&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer

[5] Varoufakis Y., Game Theory: Critical Concepts in the Social Sciences, Routledge, Londres-New York, 2001.

[6] Varoufakis Y., Le Minotaure planétaire : l’ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial, Éditions du Cercle (Enquêtes & Perspectives), 2014. Edition original en anglais The Global Minotaur, Londres, Zed Book, 2011.

[7] « For an alliance of national liberation fronts – by Stefano Fassina MP », texte posté le 27 juillet 2015 sur le blog yanisfaroufakis.eu,

http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/27/for-an-alliance-of-national-liberation-fronts-by-stefano-fassina-mp/

[8] Varoufakis Y., Rational Conflict, Oxford-New York, Blackwell Publishers, 1991

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J
Je ne suis pas certain de partager l'ensemble des points de vue de Jacques Sapir , lesquels sont plus ou moins ORIENTES vers des stratégies géopolitiques RUSSES en conformité de vue sous-jacente avec un retour au souverainisme des nations européennes , et donc au renforcement de la suprématie BLANCHE sur l'ensemble de la planète . Points de vue qui éludent et ne règlent EN RIEN les problèmes de fond de la Grèce et du PEUPLE GREC ; pas plus d'ailleurs que les véritables problèmes de fond des AUTRES PEUPLES EUROPEENS et des AUTRES CONTINENTS . Jacques Sapir fait partie des experts-économistes reconnus par la Russie au point d'y avoir une place prépondérante sur le site Sputnik (tant mieux pour lui et je ne suis pas jaloux) , sans être à ma connaissance censuré dans ses propos aussi souvent que je l'ai été en particulier sur l'ex-Ria-Novosti chaque fois que , dans mes propos d'intervenant , je relevais l'étrange et inquiétante collaboration très étroite existant entre le pouvoir actuel russe et le haut-clergé russe orthodoxe. Censuré car considéré à juste titre comme étant la marmite qui se moque du chaudron ! Il est vrai qu'il existe également une collaboration similaire et tout autant COUPABLE et critiquable de la France et des autres nations européennes ... avec les clergés catholique et protestant .<br /> Non pas que je sois CONTRE la croyance sous toutes ses formes car la crédulité existera toujours et il est donc préférable de la canaliser ; d'où de ma part la reprise des paroles d'une ancienne chanson de Georgette Plana : "Laissez les croire... "...<br /> Non , ce qui me révolte serait plutôt l'instrumentalisation de la croyance à des fins politico-financières et donc GUERRIERES en drainant des millions de morts derrières elles et ce depuis des siècles . Inutile de rajouter le rôle PREDOMINANT de victimes subi par les COMMUNISTES de tous les pays dans cette confrontation idéologique IMPOSEE par les hiérarchies religieuses qui métamorphosent la croyance en une ARME REDOUTABLE et REDOUTEE... ANTI-COMMUNISME !<br /> Pour en revenir à Jacques Sapir et à ses points de vue publiés car probablement "encensés" par ses "pairs" , les mêmes que Varoufakis je présume , je laisse du temps au temps ... afin que s'éclaircisse l'horizon pour d'aucuns , encore plus naïfs que moi .