Fascisme,
actualité de la menace
et le cas Trump
Un entretient d'un journaliste de Médiapart avec Judith Butler, philosophe à Berkeley. Canaille le Rouge en extrait un passage qui éclairera la vidéo de bas de p@ge.
Question-opinion de Christian salmon qui interroge la philosophe :
Si le phénomène Trump peut être comparé au fascisme, c'est surtout en ce qui concerne le rapport du leader aux masses qui le produisent. Au fond les grands leaders fascistes ne seraient en rien les inventeurs du fascisme mais ils se seraient emparés d'un scénario, celui d'une petite bourgeoisie ou d'une moyenne bourgeoisie qui vivait très mal son déclassement causé par la défaite et par la crise des années vingt et dont la frustration a trouvé à se défouler dans la haine pour le prolétariat. J'ai retrouvé par hasard récemment un vieux texte de Trotsky qui évoque le chef fasciste, et qui me semble bien décrire le phénomène « Trump ».« Ses idées politiques étaient le fruit d'une acoustique oratoire. C'est ainsi qu'il choisissait ses mots d'ordre. C'est ainsi que son programme s'étoffait. C'est ainsi que d'un matériau brut se formait un chef. Le chef nazi s'est ainsi formé, à l'écoute et à la remorque de ses auditoires enragés »… Ne peut-on pas en dire autant de Trump ?
Judith Butler.-
C'est peut-être le moment de faire la distinction entre les anciennes formes de fascisme et les nouvelles. Ce que vous avez décrit* relève du fascisme européen du milieu du XXe siècle. Avec Trump, nous faisons face à une situation différente, mais que je qualifierais néanmoins de fasciste. D'une part, Trump est riche, tandis que la majorité de ceux qui ont voté pour lui ne le sont pas. Et pourtant, les travailleurs se sont identifiés à lui – il s'est servi du système et il a réussi.
Prenez l'exemple de sa capacité à tirer parti de ses dettes pour ne pas avoir à payer d'impôts. Hillary Clinton se trompait en pensant que les gens ordinaires, qui s'acquittent de leurs taxes, en seraient outrés. Il a, au contraire, gagné leur admiration pour avoir réussi à trouver un moyen d'éviter de payer des impôts. Ils voudraient être cette personne ! Le côté fasciste apparaît toutefois lorsqu’il s'arroge le pouvoir d'expulser des millions de gens ou même d'envoyer Hillary en prison après sa prise de fonctions (il est maintenant revenu sur ce point), de rompre les accords commerciaux à volonté, d’insulter le gouvernement chinois, d'appeler à la réintroduction de l’asphyxie par immersion et autres formes de torture.
Quand il parle de cette façon, il agit comme s'il avait le pouvoir exclusif de décider de la politique étrangère, de décider qui va en prison, de décider qui sera expulsé, quels accords commerciaux seront honorés, quelles politiques étrangères seront violées et lesquelles seront entérinées.
De même, quand il affirme qu'il frapperait ou tuerait quelqu'un qui lui barrerait le passage dans une foule, il révèle un désir meurtrier qui, pour être honnête, fait vibrer beaucoup de gens. Lorsqu'il normalise le sexe non consenti ou qualifie Hillary de « femme mesquine », il donne voix à une misogynie bien établie et, lorsqu'il dépeint les immigrants mexicains comme des assassins, il donne voix à un racisme de longue date. Beaucoup d’entre nous ont pris son arrogance, sa suffisance ridicule, son racisme, sa misogynie, ses impôts impayés, pour des traits de caractère autodestructeurs, mais ils étaient en réalité franchement excitants pour beaucoup de ceux qui ont voté pour lui. Personne n'est sûr qu'il a lu la Constitution ni même qu'il s'en soucie. Cette indifférence arrogante est ce qui attire les gens vers lui. Et ça, c'est un phénomène fasciste. S'il transforme ses paroles en actes, alors nous avons un gouvernement fasciste.
Ce qui pour Canaille le Rouge manque dans cet entretien, c'est le lien entre le fascisme comportemental de celui qui vient d'être élu et son lien avec la partie la plus brutale du capitalisme à la recherche effrénée des moyens de quadriller à son profit la réalité économique.
Rarement l'illustration du fascisme comme moment de la lutte de classe et stade suprême du capitalisme n'aura été aussi clairement présentée.
Le gouvernement que Trump met en place comme sa façon de le présenter boucle de façon plus qu'alarmante le dossier :
Judith Butler: pourquoi "Trump est un phénomène fasciste"
Que représente Donald Trump ? Judith Butler, philosophe américaine, professeure à l'Université Berkeley, vient de publier un essai, Rassemblement. Dans un entretien, elle explique pourquoi Dona...
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