Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

Nucléaire (suite) sécurité et sous traitance

Publié le 28 Avril 2011 par canaille le rouge in se coltiner au quotidien

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/d7/Centrale_brennilis.jpg/220px-Centrale_brennilis.jpg

 

Pour continuer la réflexion sur le nucléaire, un article du Monde sur la précarité, la sécurité et le nucléaire.

Ce qui est nouveau, ce n'est pas le contenu. Depuis des années pour qui suit les questions de services publics, la sous-traitance dans les industries à risques, les niveaux de soumissions des entreprises aux donneurs d'ordre, les critères de sécurités, ce n'est pas nouveau.

Par contre que le Monde traite de cette question, de cette façon, montre la profondeur des intérogations et du malaise.

Dans le même journal, une tribune appelle à renationaliser EDF et Aréva. C'est donc que la propriété publique et l'exercice de l'activité sous contrôle public devient une exigence qui monte et très fortement.

Plutôt que nous bassiner avec leur tambouille d'appareil, les forces politiques qui rêvent d'audience populaire n'auraient-elles pas mieux à faire à concentrer leur activité sur ce genre de question? 

Mais comme ces braves gens sont occupés à autre choses ... Véolia peut continuer à se faire de la rente sur la peau des iarradiés à petit feu et les risques calculés...jusqu'à un évènement non prévu qui... 

 

http://aeromoto.free.fr/Balades/st_chamond/photos/etampes_st_etienne/0709081647_Gien_centrale_nucleaire_de_Dampierre_en_Burly_0700908_01.jpg

 

A Dampierre, avec les "nomades" du nucléaire

LEMONDE.FR | 26.04.11 | 10h53  •  Mis à jour le 26.04.11 | 12h26

 


Des quatre tours de refroidissement qui s'élèvent sur les rives de la Loire, l'une a cessé de cracher de la vapeur d'eau. C'est un signe qui ne trompe pas : la tranche numéro 4 du centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) de Dampierre, dans le Loiret, réalise son arrêt annuel en ce mois d'avril 2011. Pour l'occasion, plusieurs centaines de prestataires viennent renforcer les effectifs de la centrale, ordinairement de 1 200 employés, afin de décharger l'ensemble du combustible qui alimente le réacteur, en remplacer environ un tiers, et réaliser des travaux de maintenance.

De Gien à Sully-sur-Loire, les campings et motels des environs commencent à se remplir. C'est là qu'on croise ceux qu'on appelle les "nomades" ou"invisibles" du nucléaire. Employés par des sous-traitants, ils sont environ 20 000 en France, presque autant que les agents EDF, à effectuer différentes missions dans les centrales nucléaires. Ils voyagent de site en site, au gré des arrêts de tranche des 58 réacteurs que compte l'Hexagone. Certains partagent des gîtes ; d'autres, qui ont pu investir dans un camping-car, baladent leur caravane.

UNE VIE VAGABONDE

Croisé au Caravaning de la forêt, à Ouzouer-sur-Loire, Olivier Boulanger, la cinquantaine énergique, fixe sa moto sur une remorque. Employé par la société Intercontrôle, filiale d'Areva, il vient de terminer une mission de contrôle de soudure dans la région. Ce soir, il rentre auprès de sa femme et de ses enfants à Evreux, dans l'Eure. Dans deux jours, il partira pour deux semaines au Cap, en mission dans une centrale sud-africaine.

 

C'est dans les années 80 que s'est systématisé le choix par EDF de sous-traiter les travaux de maintenance sur ses centrales. Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l'Inserm et auteure de L'Industrie nucléaire : sous-traitance et servitude (Inserm, 2000), explique : "EDF était confronté àune contradiction irréductible, liée au travail en milieu contaminéAvec un personnel permanent, il est impossible de gérer le travail de maintenance des centrales tout en respectant les limites de doses annuelles, car ce sont des missions saisonnières mais très coûteuses en doses radioactives. EDF a donc choisi d'externaliser le risque."

"MIS AU VERT" EN CAS DE DÉPASSEMENT

La réglementation européenne limite à 20 millisieverts (mSv) la dose maximale annuelle à laquelle peuvent être exposés les travailleurs du nucléaire. Dans toutes les centrales françaises, EDF applique une limite de 16 mSv. Lorsqu'un travailleur dépasse la dose, il ne peut plus rentrer en "zone contrôlée" et doit donc être "mis au vert", c'est-à-dire affecté à des tâches non contaminantes, souvent administratives.

Sur le papier, tous les intervenants, prestataires ou agents EDF, sont soumis aux mêmes règles. Ils ont reçu plusieurs formations en radioprotection et sûreté nucléaire, sanctionnées par des examens indispensables pour avoir accès aux zones les plus exposées. Tous sont équipés de deux appareils de mesure d'exposition à la radioactivité : un dosimètre électronique, qui calcule l'exposition en temps réel, et un dosimètre dit "passif", dont le film est développé à chaque fin de mois. Les résultats des deux appareils sont régulièrement comparés. Par ailleurs, à chaque début et fin de mission, les intervenants en centrale effectuent des anthropo-gammamétries, un examen médical qui décèle les éventuelles traces de contamination dans le corps. Enfin, tous doivent faire des visites médicales régulières.

Mais dans les faits, les intervenants ne sont pas tout à fait égaux face au suivi médical. Notamment parce que les prestataires sont suivis par des médecins du travail inter-entreprises, souvent extérieurs au milieu nucléaire, et qui ont davantage de salariés à prendre en charge. Médecin au CNPE de Dampierre depuis 2002, France Monredon raconte qu'elle suit 500 salariés, contre 700 pour ses confrères de services inter-entreprises spécialisés dans le nucléaire, voire 3 000 pour les médecins de services traditionnels, qui se chargent des intérimaires, par exemple. "On ne peut pas dire que le suivi est complètement équivalent", admet-elle. 

"En tant que médecin du travail en centrale, nous visitons les sites, faisons des analyses de risques, validons les produits chimiques utilisés, etc. Nous avons aussi accès à tous les rapports d'incidents et participons à l'analyse de leurs causes." Une connaissance du terrain précieuse pour assurer le suivi médical des salariés. Mais France Monredon reconnaît que la proximité est plus grande avec les agents EDF.

Elle tente toutefois de pallier cette distance avec les autres travailleurs en communiquant fréquemment avec les médecins inter-entreprises. "Quand on a un chantier avec un risque spécifique, par exemple avec des plongeurs dans les piscines du bâtiment combustible, nous nous mettons en contact avec le médecin des intervenants. Ce sont des façons de travailler courantes dans le milieu."

UN STRESS GRANDISSANT

Les problèmes que France Monredon observe parmi les salariés suivis sont essentiellement en rapport avec la nature industrielle de l'activité en centrale. "Nous avons beaucoup de pathologies liées au bruit, car c'est un milieu extrêmement sonore, où les machines tournent à plus de 85 décibels. Nous constatons beaucoup de troubles musculo-squelettiques, et notamment des douleurs lombaires ou articulaires, car un bâtiment réacteur est un terrain hostile, avec des tuyaux et des boulons."

Elle remarque surtout un stress grandissant parmi les agents EDF, qui ne se reconnaissent plus dans une entreprise privatisée, confrontée aujourd'hui à des départs à la retraite massifs et des embauches qui ne suivent pas toujours. A Dampierre, la moyenne d'âge des agents est de 42 ans, et entre 50 et 60 salariés partent à la retraite chaque année. "Le renouvellement des compétences est un enjeu majeur, confie le directeur de la centrale, Elian Bossard. Nous avons signé 100 CDI en 2010 et recruté 50 apprentis, mais le temps de formation est long. Il faut compter environ trois ans avant d'être opérationnel." Conséquence de ce décalage : des tensions grandissantes pour des équipes à taille réduite.

ARRÊTS DE TRANCHE RACCOURCIS

Le stress des agents se répercute aussi chez les sous-traitants, qui sont confrontés à une accélération des cadences. "Ce qui m'inquiète, c'est le raccourcissement des arrêts de tranche, confie un mécanicien sous-traitant. Il y a vingt ans, ces arrêts duraient trois mois. Aujourd'hui, ils durent trois semaines en moyenne. Et ce raccourcissement des délais ne se fait pas sans prix. EDF met la pression sur les sous-traitants. De plus en plus, nous travaillons les week-ends et enchaînons les semaines sans prendre de repos. Il arrive parfois que nous maquillions nos heures pour ne pas dépasser la limite légale des quarante-huit heures de travail hebdomadaire." 

EDF justifie ce raccourcissement des durées d'arrêt par une amélioration de son expertise. "Pour nous, arrêter une tranche, c'est arrêter la production, donc on se doit d'optimiser le temps d'arrêt, explique Elian Bossard. Forts de notre expérience, nous améliorons nos pratiques de gestion et nous impliquons nos prestataires dans la préparation des arrêts. Il faut compter entre six et huit mois de travail en amont pour préparer toutes les interventions." Selon le directeur du CNPE de Dampierre, il n'y a donc pas d'incidence en terme de sûreté.

Mais l'inquiétude est partagée par plusieurs sous-traitants, comme l'atteste une vidéo du comité central d'entreprise d'EDF tournée en 2002 lors d'un forum sur les conditions de travail dans les centrales, et publiée récemment par Mediapart. Plusieurs témoignages y soulignent les risques de ces arrêts de tranche "optimisés" : "On multiplie le nombre de prestataires à l'intérieur du bâtiment réacteur et tout le monde se marche dessus", note un délégué syndical CGT de la centrale de Cattenom, en Moselle.

En revanche, les prestataires rencontrés saluent le durcissement des règles d'intervention en centrale par EDF. Tony, tuyauteur d'une cinquantaine d'années, arrivé à Dampierre depuis deux jours, a des souvenirs précis. Ainsi, dans les années 80 a été perdu son dossier de dosimétrie, géré aujourd'hui par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. "J'ai vu sur mon relevé qu'il y avait un trou pour les années 1983 à 1987. Et c'étaient des années où on prenait beaucoup de doses. C'était mal suivi et mal géré. Mais aujourd'hui, ça n'arriverait plus. Tout est écrit noir sur blanc. Si on oublie un mois de développer le film dosimétrique passif, on est aussitôt rappelé à l'ordre."

Autre règle mise en place : EDF interdit désormais aux CDD et intérimaires de rentrer dans les zones orange et rouges, les plus exposées, pour s'assurer que les intervenants dans ces zones sont bien formés et suivis. Elian Bossard admet qu'il arrive encore qu'une entreprise sous-traitante délègue à d'autres certaines activités, mais, assure-t-il, "on ne dépasse pas les deux niveaux de sous-traitance en centrale". EDF assure ainsi garder la main sur les activités sous-traitées : "A chaque appel d'offres, nous vérifions l'organisation, la qualification et les références de l'entreprise prestataire."

ÉCARTS ET CONTAMINATION

Qu'en est-il des incidents en centrale ? "Sur Dampierre, nous avons entre vingt et trente écarts de niveau 0 [sur l'échelle INES des incidents nucléaires, qui en compte huit] et de deux à trois incidents de niveau 1", poursuit le directeur de la centrale. Selon lui, la majorité des écarts constatés n'ont pas d'incidence en terme de sûreté. "C'est parfois une question de procédure, lorsqu'un agent oublie de signer un rapport d'activité, ou quand nous dépassons de quelques jours le délai d'inspection d'une pompe de secours. Mais il faut tout faire pour que ces écarts ne se reproduisent pas", insiste-t-il.

Pour les intervenants en centrale, les petites contaminations font par contre partie du quotidien. "Toutes les semaines, nous avons des cas de contaminationsurtout en arrêt de tranche, parce que les particules volent, confirme France Monredon. Mais elles sont très vite décelées et, en général, n'ont pas d'incidence sanitaire. Pour les contaminations externes, si une particule se colle sur la peau, nous procédons à des douches méticuleuses. Pour des contaminations internes, si elle a été ingérée, nous donnons immédiatement des laxatifs."

Quant aux risques de surexposition aux doses radioactives, la plupart des travailleurs assurent qu'ils sont minimes : "Pour chaque mission, le chef de chantier détermine et programme à l'avance une dose maximale qui peut être reçue, explique Philippe Riglet, délégué syndical Force ouvrière et encadrant d'une équipe de nettoyage des machines. Si cette limite est dépassée, le dosimètre bippe et l'intervenant doit quitter la zone." Les dépassements de doses se révèlent rares, d'après lui, et sont essentiellement le fait d'un manque de vigilance individuel. "Sur les chantiers, on a par exemple des chemins dits Alara ['as low as reasonnably achievable', soit en français, 'aussi bas que possible'], poursuit Philippe Riglet. Ceux qui prennent des doses sont ceux qui, pour gagner du temps, vont prendre un chemin plus court et passer par un chantier dosant." Tous les prestataires rencontrés iront dans ce sens, et souligneront que lorsque les règles sont respectées, il est extrêmement rare qu'ils dépassent les doses.

10 À 15 FOIS PLUS EXPOSÉS QUE LES AGENTS EDF

Il reste que les prestataires du nucléaire sont ceux qui, statistiquement, prennent le plus de doses sur l'ensemble de leur carrière, en moyenne de 10 à 15 fois plus que les agents EDF, selon Annie Thébaud-Mony. Et bien que les limites de 16 mSv soient aujourd'hui respectées, on manque de recul quant à l'effet sur la santé d'une exposition cumulée à de petites doses radioactives. Surtout qu'il est difficile pour les médecins et statisticiens de garder la trace des "nomades" du nucléaire et donc d'étudier les risques.

Sur l'ensemble de sa carrière, Olivier Boulanger a pris plus de 500 mSv. Il estime être dans la moyenne. Certains de ses collègues ont absorbé beaucoup plus. Il avoue ne pas trop penser aux effets futurs sur sa santé, même s'il s'inquiète du manque de visibilité. "On fait tout pour se protéger et faire des interventions les plus rapides possibles, mais on ne sait pas ce qui nous attend." Pour Alexandre, tuyauteur tout comme Tony (les prénoms ont été modifiés), "il y a toujours une appréhension" :

 Plusieurs ont perdu des collègues morts du cancer. Mais aucun n'identifie le travail en milieu nucléaire comme cause possible de la maladie. "Chaque fois qu'on constate un cancer chez un salarié, on s'interroge sur le lien avec son activité, explique France Monredon. Les Carsat [Caisses d'assurance-retraite et de la santé au travail] nous questionnent toujours pour savoir s'il y a eu un lien avec un incident de contamination. En général, il n'y en a pas eu." Le dernier cancer identifié comme maladie professionnelle à Dampierre date de 2008.

"TRAVAILLER AILLEURS ? POUR FAIRE QUOI ?"

Si on leur demande s'ils souhaitent changer de secteur, la plupart des hommes et femmes rencontrés rigolent : "Pour faire quoi ? Travailler à l'usine ?, s'étonne Tony. Au moins, dans le nucléaire, on est bien payés. Et puis, on est informés sur les risques. Ceux qui travaillent dans la pétrochimie, par exemple, sont moins suivis." Et puis ce secteur de haute technologie peut aussi être valorisant. Angela Gomez, employée par la société ISS Propreté, aime son métier. Elle s'occupe du nettoyage des salles de machine et teste, depuis un mois, de nouvelles techniques de nettoyage à Dampierre. Cela fait un an et demi que cette déléguée CHSCT travaille dans le nucléaire.

Le mois prochain, plus de mille prestataires sont attendus pour la visite décennale, la "VD" dans le jargon du nucléaire, que connaîtra la tranche numéro 1 de la centrale de Dampierre. A l'issue de cette visite, si tout se passe bien, l'Autorité de sûreté nucléaire donnera son accord pour qu'EDF poursuive l'exploitation de la tranche pendant encore dix ans.

 

http://rss.feedsportal.com/c/32395/f/463354/e/1/p/1/s/5c2054ab/l/0L0Sletelegramme0N0Cimages0C20A110C0A30C210C12413930I93312420Enucleaire0E20A110A3210Et10A3a0Bjpg/1241393_9331242-nucleaire-20110321-t103a.jpg


 

 

Commenter cet article