Berlin 1941
Le Musée d'Art Moderne de la ville de Paris présente une rétrospective de Van Dongen.
Un peintre au talent indéniable qui justifie que ces œuvres soient présentées au public. Comme toute exposition celle-ci s'accompagne d'un appareil technique (catalogue affiches, cartels pour aider le visiteur.
Une présentation de l'expo sur le net qui d'entrée cadre le propos http://mam.paris.fr/fr/expositions/van-dongen:
Centrée sur la période parisienne de l'artiste, l’exposition rassemble environ 90 peintures, dessins et un ensemble de céramiques, de 1895 au début des années trente. Les multiples facettes du personnage sont ici restituées : peintre hollandais prompt à la caricature et à la dénonciation sociale, artiste d’avant-garde et figure du fauvisme, devenu une des grandes figures de la scène parisienne des années folles.
Mais, parce qu'il y a un mais, un oubli. Volontaire. La personnalité du rapin.
D'un côté du pinceau, il y a une main, la patte du peintre, à l'autre bout une tête, sa pâte humaine, pas très fraiche.
Plein d'artistes on eu des engagements personnels divers, des parcours variés. C'est même un euphémisme de le dire tant la sensibilité conduit à la prise de position et à l'engagement.
Dès qu'on se penche sur les biographies accompagnant peintres, poètes, musiciens, sculpteurs, architectes et autres, leur accès à la commande, leur période vache enragée, les conditions de leur reconnaissance, celle de leur création, qui ils sont, ce qu'ils ont fait à coté de leur art ou avec leur art est constitutifs de leur globalité.
Hugo de la droite la plus conservatrice à l'engagement social militant, Chateaubriand au talent aussi incontesté qu'il fut un réactionnaire affirmé. Lamartine poète et Républicain…modéré,
Dès l'école on apprend aux élèves que Villon fut un voleur... pendable…au sens propre, et un pitre devant la cour. D'Aubigné poète mais bretteur de première. Malraux s'est engagé pour l'Espagne et fut Résistant opiomane comme Rimbaud trafiquant d'armes voire d'esclaves. Que Dali au talent fou adora Franco qu'il encensa jusqu'à sa mort y compris dans ses phases les plus dictatoriales (position présentée souvent comme une provocation d'artiste) ou que Leni Riefenstahl accompagna de 32 à 45 le régime nazi. Des faits établis.
Pour certain même ce fut présenté comme une tâche indélébile d'infamie même s'ils la portaient avec honneur : Courbet le Communard, Aragon ses choix ("Un si grand écrivain mais communiste"), Picasso idem et qui traine comme une tare voulu pout telle son portrait de Staline ("Picasso, grand artiste mais communiste") pour ne parler que de ceux là (et qu'a donc dû subir Ferrat de son vivant, iconisé maintenant disparu)
Pas question ici de conditionner la reconnaissance artistique au choix idéologique de l'homme mais on ne peut ignorer cette composante qui marque le sens de leur travail. C'est même souvent un pan de sa personnalité qui peut expliquer son œuvre et les trajectoires.
Et pourtant dès que nous approchons de l'époque contemporaine, silence sur les actes et prises de positions de tout le pan droitiste de la palette.
Les Goncourt réac ? Pas importants. Les Daudet, Alphonse (et son célèbre « Sauvé, sauvé ! Paris était au pouvoir des nègres ! » quand la répression s'abat sur la commune) le même qui prête de l'argent à Drumont pour lui permettre de publier son violent pamphlet : La France juive qui sera le livre de chevet de Léon fils d'Alphonse, image de la pire espèce des réactionnaire. Alphonse aux multiples collèges et lycées au moins aussi nombreux que ses nègres littéraires et dont les textes traversent les réformes de tous les programmes.
Le pétainisme du fils fait écran aux turpitudes du père ; on passe à la trappe. Marcel Aimé et Léautaud bénéficie de l'ombre de Céline et Brasillach.
Rien au catalogue de l'expo Van Dongen qui ne dise qu'il fut un de ceux (ils furent peu nombreux, 7 dit-on, mais des "têtes d'affiches" fiers de l'être) qui acceptèrent l'invitation de Goebbels de venir à Berlin en 1941 pour un voyage officiellement organisé par le régime hitlérien pour structurer la collaboration intellectuelle.
On trouve ainsi dans ce voyage Charles Despiau, Henri Bouchard, Louis Lejeune, Paul Landowski (qui lui au moins le regrettera publiquement) , Roland Oudot, Raymond Legueult, André Dunoyer de Segonzac mais aussi des artistes de l’avant-garde tels Kees Van Dongen, Maurice de Vlaminck, André Derain et Othon Friesz. Par leur attitude, ces artistes ont servi la propagande nazie
Le dire dans le catalogue, le rappeler à l'entrée n'aurait rien retiré à la qualité de l'expo ni diminué l'intensité de la palette de l'artiste. Nous sommes devant le refus de dire que derrière l'artiste que put être cet homme, au delà de son art, il fut aussi (pas seul et c'est ce qui explique ce silence) un salaud.